Vista local: Le chaos

Olivier Baute
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Vista local: Le chaos
Photo: © SC

La dernière pige du Brésil a confirmé que l'équipe est bien malade. Bernardo nous conte les dernière péripéties autour de la Seleçao ces derniers jours.

Nos fidèles lecteurs ont pu lire, ici et là, en tous lieux et dans toutes les langues, toutes sortes de considérations, souvent pertinentes, parfois étranges, sur cette fin de coupe en queue de poisson de la sélection brésilienne, avec tout le respect que j'ai pour les poissons, les sirènes et le club de Santos FC. La présidente Dilma Rousseff, elle même, dans une entrevue télévisée politique, le jour suivant le désastre contre les Allemands, en a appelé à une réforme générale du football brésilien.

Elle a notamment insisté sur la nécessité d'empêcher les jeunes de quitter le Brésil trop tôt pour l'étranger, reprenant ainsi une idée du précédent président Lula, fanatique du football. Elle s'inscrit ainsi dans une ligne culturelle traditionnaliste qui souhaiterait revenir au principe ancestral des bandeirantes du football brésiliens, l'exploit individuel, que j'ai présenté il y a deux jours.


Oserai-je lui dire que c'est l'immigration des jeunes talents belges qui nous a permis de recréer une équipe nationale capable de jouer en Coupe du Monde, même avec un entraineur sans expérience et sans réussite ?

Bien sûr, certains s'enflamment par principe et du bout des lèvres sur l'arbitrage de ce jeu : les trois buts des Pays-Bas sont obtenus suite à des erreurs d'arbitrage : une faute sifflée au mauvais endroit (après visionnage de la caméra lente), un hors-jeu d'un pouce ou deux (un demi pied) du joueur qui centrera pour le second but et une interception douteuse préalable au troisième. Mais le cœur n'y est pas. Une polémique sur le fait de savoir si un pénalty est préférable à une exclusion aurait pu être intéressante, mais la tête n'y est pas. Une remarque aurait pu susciter des controverses : le public fait preuve de plus d'envie et d'animation que les joueurs sur le terrain, mais le ventre n'y est plus. Le peuple n'a plus de trippes : tout a été vomi en une casquette, deux raclées et dix buts contre. Mêmes les journalistes de Globo étaient pressés d'en finir. Personne n'a remarqué que l'arbitre a décompté du temps et personne ne semble avoir souhaité que la remise des médailles des 3 premiers se fasse au même moment, comme lors des jeux olympiques par exemple, ce qui rend toute sa dignité et son importance à la troisième place.


Je regrette juste que les commentateurs n'aient pas souligné le manque d'intelligence des joueurs brésiliens à qui les joueurs Orange offraient une trêve ; en blessant deux joueurs adverses, ils ont été punis à la Hollandaise : une et une seule accélération et un troisième but. Begrepen ?


Le rôle d'ambassadeur a ceci de dérangeant comme d'intéressant qu'il connecte automatiquement le pilotage professionnel et prive des émotions. Je me suis donc surpris à me demander pourquoi le jeu brésilien était-il devenu tellement chaotique ces deux dernières rencontres? Je regardais David Luis courir comme une poule sans tête - cette course a été reprise par les analystes brésiliens pour illustrer le chaos -, j'ai lu toutes les condoléances des spécialistes européens adressées au PSG pour sa nouvelle défense centrale, j'ai entendu les anciens cracks du football brésilien s'émouvoir, seulement en brésilien, parce que les langues étrangères ne sont pas très prisées par ici, sur le déséquilibre de l'entrejeu, j'ai remarqué qu'Oscar a changé de position de sa propre initiative et par-dessus tout, j'ai vu Neymar, Fred, ou Hulk, coacher dans tous les sens leurs coéquipiers au côte d'un Felipão qui faisait ou tentait de faire de même.


D'où vient ce chaos, me suis-je interrogé ?

Voilà une matière que je connais bien. Elle a été étudiée en psychologie de groupe - une équipe de football est bien un groupe -, et très bien illustrée dans le film d'Henri Verneuil "I comme Icare", avec Yves Montand dans le rôle principal. Très bien étudiée car cette théorie est une aussi une conséquence des études sur l'obéissance et le respect des consignes, que ce soit dans l'armée, dans l'entreprise ou à l'école. Le lecteur peut lire sur ce sujet les travaux de S. Milgram et notamment "Soumission à l'autorité". Elle a, également, été étudiée par les économistes dans une vision stratégique de l'imposition du changement et notamment par l'Ecole de Chicago de Milton Friedmann. elle a, enfin, été analysée par les sociologues, même structuralistes, parce qu'elle est corollaire au modèle anarchiste
comme à certains modèles altermondialistes ou écologistes.

Que disent les études en psychologies ? Elles montrent que lors d'un rupture du lien d'autorité, les sujets font n'importe quoi : soit ils arrêtent d'exécuter les consignes, soit ils les appliquent à leur convenance. D'où vient la rupture de ce lien d'autorité ? Dans la toute grande majorité des cas, elle survient quand la personne qui incarne cette autorité est contestée par une autorité égale ou supérieure à la sienne. Elle intervient également lorsque cette autorité perd le respect des sujets.


Ces ruptures ont-elles eu lieu pour la Seleção ?

Certainement. L'autorité de Felipe Scolari a été remise en cause suite aux pleurs, entre autres, de Thiago Silva lors de la dramatique finale du match contre le Chili. Une autre autorité est alors apparue, comme le sauveur des joueurs : la psychologue. Au même moment, Carlos Alberto Parreira, le coordinateur technique en chef est monté au créneau, soi-disant pour défendre son entraineur, mais cela semble avoir été mal coordonné. A ce moment-là, Felipão a commis une erreur historique en se réunissant en secret éventé avec 6 journalistes amis, coupant lui-même sa légitimité avec l'ensemble de la presse, qui a ses relais avec les joueurs...

Donc, les joueurs se sont retrouvés face à trois petits chefs : le patron de la commission technique, Carlos Alberto Parreira, leur entraineur Felipe Scolari et la psychologue, Renata qui vient le lundi mais aussi le dimanche. Le jeudi si nécessaire.


La légitimité de l'entraineur principal a-t-elle été entamée ?

Certainement, quand il a confirmé ce que les fuites ont révélé : il aurait souhaité d'autres joueurs. Des joueurs cadres de l'équipe actuel ont alors vivement et publiquement réagi. Au point que l'on sait même qu'il s'agit entre autres de Kaká et que des membres de la commission technique ont déclaré hors forme, ce que son club propriétaire de Orlando, qui l'a appris là-bas en Floride, a contesté officiellement, appuyé par le club de São Paulo où il est prêté pour six mois. Si tout cela n'est pas chaotique, c'est que c'est cacophonique.


L ́émotion a donc été grande. Et les stratèges au service de l'Ecole de Chicago ont montré que les sujets étaient totalement désorientés dans une situation caractérisée par une forte émotivité, celle qui arrive lorsque "l'on tombe de haut", pour reprendre une expression populaire très signifiante. C'est le cas des joueurs de grands clubs avec de gros égos sur qui reposent les espoirs de la nation quand ceux-ci découvrent, par hasard, qu'ils pourraient ne pas avoir été désirés par leur chef... De quoi fabriquer des enfants rebelles, bien rancuniers, écrirait Eric Berne, célèbre psychiatre américain.

Et ce n'est pas tout. En effet, suite à un choc avec l'arrière chilien Zuñega, Neymar a été gravement blessé au dos. Les joueurs ont perdu leur leader, car Neymar était le vrai capitaine sur le terrain, le leader et l'âme de cette équipe, Peut-être le contremaître car il est celui dont la maîtrise du jeu fait l'admiration de tous, à l'exception de certains supporters européens, ce qu'heureusement, le peuple et tous les professionnels du football brésilien ignorent. L'artiste ! Et le capitaine suspendu ne pourra même pas défendre et tenter de faire respecter son maître, Felipe Scolari, alors qu'il devrait être le dernier à quitter son navire.


Suite à l'humiliation historique résultant du match contre l'Allemagne, la rupture du lien d'autorité s'est encore aggravé, encore et encore. Le futur et charismatique vice-président de la Confédération Brésilienne du Football demande le départ immédiat de Scolari, il est contredit de volée par son Président tandis que la presse découvre une cabale pour maintenir Felipão au pouvoir, parce qu'il est obéissant. Pendant ce temps-là, Carlos Alberto Parreira se montre arrogant en donnant à tous l'impression qu'il peut efficacement remplacer Felipão Scolari au pied levé et sauvé l'honneur de la patrie.


La présidente du Brésil demande, elle, une réforme du statut et des compétences des entraineurs. Cela vole dans tous les sens, et je vous épargne tous les commentaires péremptoires de la presse et des cracks auréolés de leurs titres de champion du monde.

Rien d'étonnant dés lors, de voir David Luis, arrière-central, joué centre-avant, Gustavô, volante, se replacer comme arrière-central, Oscar balayer (très bien) toute la largeur du terrain et l'arrière latéral droit Maicon jouer dans le registre d'Oscar. Le tout en marchant pour te ne pas trébucher. Ne réveillons pas les autres, ils dorment toujours. On cherche toujours Jô, qui a, sans doute, rejoint Sepp Blatter. Je viens de me souvenir qu'il est entré sur le terrain pour les hymnes nationaux. Reviens, Jô, reviens, tout est fini !

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