Vista local: Le Brésil pleure

Olivier Baute
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Vista local: Le Brésil pleure
Photo: © Photonews

Bernardo, notre ambassadeur, vit à proximité de Belo Horizonte. La catastrophe de l'éffondrement de la bretelle du viaduc l'a touché en plein coeur. Il nous explique également les relations entre la presse brésilienne et l'entraineur Felipe Scolari.

J'ai le cœur triste ce soir. J'écris par obligation, obligation d'honnêteté envers Walfoot.be qui me fait confiance, et ses lecteurs. Il ne me semblait pas correct de faire l'impasse sur la mini-catastrophe de Belo Horizonte. Je vivais avec cette anxiété depuis le début du Mondial.

Comme souvent lorsque la fatalité frappe injustement, j'ai le cœur gros. Même si par chance, nous avons échappé à un désastre : à une heure de pointe sur une route de grand trafic, le bilan, inacceptable, évite l'effroyable d'une catastrophe comme Buizingen. La bretelle du viaduc s'est effondrée sur un axe de pénétration urbaine important. Huit voies de circulation. Un endroit que je connais, j'y suis encore passé deux fois le jour de Belgique-Algérie. Mais cette bretelle ne concernait pas la desserte du stade et de la ville, mais bien la liaison avec de nouveaux quartiers et le centre urbain. Elle était bien "payée" avec le programme des travaux publics de Belo Horizonte dans le cadre de la Coupe du Monde et des Jeux Olympiques de 2016.

Le peuple brésilien, et particulièrement les habitants de l'état du Minas Gerais, sont des gens qui ont du cœur et un gros cœur. Dans ces circonstances-ci, nous avons envie de prendre les victimes dans nos bras et de consoler de nos pleurs en les berçant. Tous les amis de Belo Horizonte et les amis brésiliens des réseaux sociaux parlent d'horreur, avec ces morts inutiles et ces blessés, souvent traumatisés pour le restant de leur vie. Toutes ces souffrances que la route engendre quotidiennement. Tous les amis du Brésil sont encore angoissés par les commentaires qui seront publiés, dans tous les quotidiens et les réseaux sociaux.

Les journaux argentins se sont déjà déchaînés. Le lynchage médiatique du Brésil et du peuple est en cours. Dans nos civilisations où la mort est une injure à la déification des consommateurs et où la fatalité est nécessairement une faute professionnelle, la presse est le cordon Bickford de la loi du Talion d'aujourd'hui : il y a toujours un ministre à lyncher quand le sort est défavorable. Les journaux belges sont dignes mais les commentaires sont argentins. J'ai noté ceux-ci, parmi les plus mesurés, dans le journal La Meuse. Marcio Lacerda, le trés peu sympathique bourgmestre de Belo Horizonte, inquiété et impliqué comme promoteur/constructeur en travaux publics, notamment, a déclaré laconiquement que les accidents, cela arrivait.

Je pense que ce fait divers international va relancer la campagne contre la Présidente Dilma Rousseff, et cela ajoute à mon chagrin personnel.

Depuis 5 ans que je suis au Brésil, je n'ai pas connu tellement de catastrophe. J'en fait le compte durant le souper. Le plus important est le crash aérien du vol AF 447 d'Air France le 1er juin 2009 - un Airbus 330-200 -, qui s'est abîmé de nuit dans l'océan atlantique avec 228 personnes à bord. Aucune n'a survécu. Tous les nouveaux amis de Belo Horizonte étaient très triste. Je me souviens qu'ils me disaient : la presse internationale n'en parlera pas, c'est l'avion des Brésiliens. Les français retournent avec le 747 qui part au même moment.

Comme je prenais parfois l'Airbus pour Paris, j'ai tenté de savoir si des membres d'équipage que je connaissais étaient de service ce soir-là, mais un chef d'équipage est venu me dire qu'il leur était interdit de parler de l'accident avec les passagers. D'une manière étrange, cet accident aérien ne semble pas avoir eu d'influence sur l'appréciation sécuritaire de la compagnie Air France. La formation des pilotes est pourtant bien mise en cause

Il y a eu ensuite une camion fou qui a embouti une file de voiture sur le ring de Belo Horizonte, Anel Rodovario. Cette catastrophe a causé un grand émoi dans la population et les hommes politiques ont même demandé la réouverture d'une ligne ferroviaire aux trafics de banlieue. Le gouvernement de l'état de Minas Gerais a promis une extension des lignes de RER plus une ligne de tram mais a réalisé une réforme des voies réservées aux autobus tout en achetant quelques autobus articulés.

Dernièrement, un camion qui a quitté son lieu de déchargement benne relevée a accroché une passerelle pour piétons, qui traversait la voie rapide, à une heure d'affluence, entraînant piétons et conducteurs dans un amas de tôles et de ciment.


Rien de très différent de ce que j'ai connu en Belgique.

Il y a encore les malheureux ouvriers décédés ans le cadres des travaux pour la Coupe du Monde. Neuf en six ans. Inacceptable. Trois d'entre eux ont été tués par la cause d'entreprises allemande (2) et portugaise (1). Ces décès ont été montés en épingle en relation trouble avec les morts des travaux publics pour la Coupe du Monde au Qatar. Je tiendrai les lecteurs au courant de l ́évolution du dossier de ce nouveau drame de Belo Horizonte.

Ce malheur vient ternir une performance dont le Brésil, sa justice et les polices pouvaient être très fiers ce même jour : le démantèlement d'un réseau maffieux, ayant son origine au plus haut niveau de la FIFA coupable de détournement, de vol, de recel et de revente au noir de places VIP, et cela depuis 16 ans, soit durant quatre Coupes du Monde, á tout le moins et, sans doute, d'autres évènements organisés par la FIFA, traine des pieds pour collaborer à l'enquête (air connu). Mais l'organisation supranationale ne devrait pas pouvoir échapper à ce scandale-là, qui jette un éclairage nouveau sur le trafic également maffieux des places pour handicapés revendues à bon prix à des gens bien portants, trafic que l'on croyait local (entre nous, un trafic local qui s'étend sur un territoire plus grand que l'Union européenne est assez invraisemblable) mais qui pourrait être un volet de la machination financière.

Les polices brésiliennes travaillent, de manière étonnante, très bien durant cette coupe du monde et cet exploit aurait pu réveiller la confiance, bien nécessaire, des Brésiliens dans leurs fonctionnaires.

La conférence de presse théâtrale de Felipe Scolari et Thiago Silva a perdu de son intérêt, parce que le peuple brésilien, si sensible, partage les souffrances des habitants de Belo Horizonte et l'angoisse des commentaires "coloniaux" en regardant les informations en boucle sur Globo.




Que retenir, pour en revenir au football ?

  • Thiago Silva assume sa sensibilité dans le stress. Il réclame le droit de la gérer comme il l'entend. Il me met pas en doute sa confiance dans son entraineur. Quant à la question de la pertinence de son mandat comme capitaine, il se ferme et il se retourne vers le petit commandant qui le couve paternellement. - Quant á la psychologue, il me semble avoir compris qu'elle vient tous les lundis... -.
     
  • Felipe Scolari se fait plus agressif et raconte que Luis Figo s'est réfugié dans les vestiaires pour prier pour ses coéquipiers lors d'une séance de tirs au but auquel il ne se sentait pas la force d'assister, or personne n'a remis en cause son statut tant crack que de capitaine de l'équipe nationale du Portugal. D'accord, Felipão, mais d'une part, personne ne le savait avant cet après-midi et d'autre part, il avait un autre palmarès.
     
  • Et cette réunion avec sic amis ? La tension est brusquement montée. Faute de déontologie disent les journalistes absents, jalousie des médiocres proclame l'entraineur, qui monte encore le ton en parfait petit commandant et clôture le sujet d'un très ferme et définitif : certains ne m'aiment pas et moi je ne les aime pas non plus.
     
  • Quant à la Colombie, c'est un match difficile contre une bonne équipe, mais Felpão a dit aux joueurs : nous perdons, la vie continue et chacun continue son chemin professionnel, nous gagnons et nous continuons ensemble vers la finale. Ensuite, tout peut arriver.

En effet, tout peut arriver. Les évènements de la vie quotidienne nous le rappellent trop souvent avec cruauté : nous vivons avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête ; le plus grand nombre, chanceux, sont ceux qui peuvent se lamenter sur le sort funeste des autres.

Demain, le spectacle continue...

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