Interview Joachim Mununga sur le racisme dans les stades: "Il faut arrêter avec les campagnes et les slogans, il faut agir"

Joachim Mununga sur le racisme dans les stades: "Il faut arrêter avec les campagnes et les slogans, il faut agir"
Photo: © photonews

Aujourd'hui assistant à OHL, ancien joueur du Beerschot et de Mons notamment, mais aussi de Genclerbirligi en Super Lig, Joachim Mununga a connu le racisme pendant sa carrière sur les terrains, en Belgique, comme en Turquie, il revient pour nous sur les incidents de ce dimanche à Bruges.

Il y a deux ans, Joachim Mununga avait été invité à s'exprimer lors d'une conférence de presse de présentation du manuel de la Pro League sur les chants racistes et discriminatoires. Et l'ancien milieu de terrain y avait livré un témoignage poignant. "J’ai encore beaucoup de rancune et de la haine en moi. J’ai même encore du mal à en parler. Des chants racistes : c’est du viol", avait-il notamment expliqué, avant d'ajouter: "La sensibilisation et la formation sont importantes pour chaque personne qui vient au stade. Il faut plus d’attention, parce que ces paroles sont blessantes pour toute la vie." 

Joachim, ce discours, c'était il y a deux ans déjà et les choses ne semblent pas avoir changé... 

Je vais peut-être vous surprendre. Je regarde cela avec tristesse évidemment... mais aussi un peu d'optimisme. Il y aura toujours une minorité qui ne voudra pas évoluer. Une minorité qui continuera à avoir des agissements criminels. Ils n'ont pas la moindre idée de l'impact de ce qu'ils font. Ils retirent l'humanité d'un homme quand ils le traitent de "singe" ou pire encore.  C'est un viol de l'être humain. C'est triste de voir que cela existe encore en 2021. 

Mais je ne veux pas non plus tomber dans le pessimisme à outrance. Il va y avoir du changement. Je vois aujourd'hui que ce n'est pas seulement un groupe de personnes qui se sent attaqué. C'est toute la race humaine qui est touchée. C'est une bonne chose. Cela signifie qu'il y a une prise de conscience. Cela nous donne l'occasion d'en parler et de réagir. Vous savez, lors de cette conférence de presse il y a deux ans, ce que je voulais, c'était m'exprimer sans être jugé. Je ne voulais pas devenir le symbole de la lutte contre le racisme. Je n'ai pas les épaules pour ça. 

Vincent Kompany, lui, peut avoir les épaules pour ça? 

La réaction de Vincent était en tout cas pleine de classe. Avec beaucoup de self-contrôle. Il ne s'est pas laissé guider par ses émotions. Cela doit désormais amener une réflexion. Il faut arrêter avec les campagnes, les slogans et les mots... il est temps d'agir! 

Par agir, vous voulez dire sanctionner? 

Naturellement. C'est la première chose à faire. Pourquoi ne punit-on pas? Sans sanction, tu ne reconnais pas que quelqu'un a fait quelque chose de mal. Je ne saurais pas exprimer à quel point certains mots peuvent faire mal. Le racisme pollue le football. Quand quelqu'un fait quelque chose de mal, il doit être puni. Cela me semble logique, non? 

Cela doit venir de la Pro League... 

"Je ne sais pas trop qui siège à la Pro League, mais je peux m'imaginer qu'il n'y a pas énormément de diversité en interne. Parce que, s'ils savaient à quel point ces comportements peuvent blesser, ils agiraient im-mé-dia-te-ment. J'en suis certain. Quand vous avez ressenti ce que ça fait, vous ne laissez pas les choses recommencer éternellement. Cela fait trop dégâts. 

Dans cette optique, voir Vincent Kompany s'exprimer sur le sujet, cela va peut-être faire avancer les choses un peu plus vite? 

"On a touché à un symbole. Et un symbole de la Belgique. Un homme qui a été capitaine des Diables Rouges. Un homme qui a connu la gloire dans le plus grand championnat du monde. Un homme dont toute la Belgique est fière. Il représente à merveille la société belge dans sa multiculturalité. On ne peut pas laisser passer cela." 

On ressent dans votre discours que vous êtes particulièrement impliqué dans ce combat. N'est-ce pas? 

Oui, et d'ailleurs, j'aimerais également remercier mon club, OHL. Dimanche après-midi, ils m'ont directement contacté, même si je n'étais pas directement impliqué. Ils voulaient envoyer un message fort. Monter que nous, en tant que club, condamnons fermement ce genre d'attitudes et ils m'ont demandé si j'avais des idées. Cela m'a touché qu'ils pensent à moi directement. 

Merci Joachim, et on espère que vos mots ne tomberont pas dans l'oreille d'un sourd. 

Je l'espère aussi... 

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