"C'est l'exploit des 100 dernières années" : Un Belge en finale de la Coupe de Suisse avec son petit club de... D3 !
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Paolo Arrivas, un Bruxellois de 27 ans, va disputer la finale de la Coupe de Suisse avec son club de... D3, contre le géant local : le FC Bâle. Il s'est confié sur l'épopée historique d'un club ayant fait faillite en 2016, qui réalise le plus grand exploit de l'histoire du football helvète.
“En Suisse, notre parcours est décrit comme l’exploit des 100 dernières années”. Pour la première fois de l’histoire du football helvète, un club de troisième division est qualifié pour la finale de la Coupe nationale et affrontera le champion de cette saison 2024-2025 : le FC Bâle.
Ce club est celui de Biel/Bienne, plus grande ville bilingue de Suisse (on y parle l’allemand et le français) située dans le canton de Berne. Champion de Suisse en 1947 (son seul trophée majeur) et finaliste de la Coupe en 1961, le club a fait faillite en 2016 et s’est relancé dans les tréfonds du football suisse.
Depuis cette année, un joueur belge y évolue : Paolo Arrivas. Né à Bruxelles, l’ailier gauche de 27 ans, passé par les centres de formation du Sporting d’Anderlecht et du Club de Bruges, prend donc part à la plus belle épopée jamais vue en Coupe de Suisse.
"Être en demi-finales, c’était déjà historique”
Entré dans la compétition au quatrième tour, Biel/Bienne a éliminé un club local historique aujourd’hui pensionnaire de deuxième division, Xamax, puis a profité de deux tours plus faciles contre des équipes de D6 et de D4 pour se retrouver face à Lugano, 1/8e de finaliste de la Conference League, en quarts de finale.
“Tout le monde nous voyait morts, mais nous avons créé la surprise et nous nous sommes imposés 2-0. C’était la première fois en plus de 80 ans qu’une équipe de D3 se qualifiait pour les demi-finales de la Coupe. C’était déjà un moment historique”, a confié Paolo Arrivas lors d’un entretien accordé à Walfoot.be.
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Un stade agrandi à 6 000 places et... 20 000 demandes avant le derby en demi-finale !
L’histoire ne s’est pas arrêtée là. En demi-finale, Biel/Bienne a remporté le derby du canton de Berne, face aux Young Boys, six fois champions au cours des huit dernières saisons et véritable ogre du football suisse. Biel s’est imposé 1-0, après prolongation, au terme d’une rencontre pleine de rebondissements.
“C’était juste extraordinaire, la ville et le canton avaient les yeux rivés sur nous. Nous avons joué devant 6.000 personnes (le stade de 5.200 places peut doubler de capacité avec divers ajustements, mais le club n’a pas eu le temps de tous les réaliser et avait augmenté la capacité de 800 places assises pour l’occasion, même si 20 000 spectateurs avaient formulé une demande de tickets) contre la plus grosse équipe des dernières années, qui jouait encore la Ligue des Champions cette saison. C’était véritablement le grand contre le petit, mais nous avons réalisé un nouvel exploit.”
Un exploit auquel a participé Paolo Arrivas, monté à la 60e minute, qui a donc disputé la dernière heure de la rencontre. Le Belge avait inscrit deux buts en 1/8e de finale, mais n’avait pas pu affronter Lugano en raison d’une blessure. Auteur de huit buts et trois passes décisives en championnat et joueur le plus décisif de son équipe au ratio statistique/temps de jeu (une action décisive toutes les 93 minutes), il mesure la grandeur de la performance.
“Plusieurs joueurs sont rentrés du travail à 15h00 avant notre demi-finale contre les Young Boys”
“Dans notre équipe, certains joueurs ont des contrats professionnels, mais d’autres sont amateurs et travaillent la journée avant de venir jouer. Avant notre demi-finale contre les Young Boys (disputée un samedi à 20h30), plusieurs joueurs étaient au travail jusqu’à 15h avant de venir et de gagner le match.”
Une situation qui force certains ajustements par rapport aux équipes professionnelles. “On ne s’entraîne pas tous les matins, mais tout de même une fois par jour. L’horaire varie, entre 14h et 18h. On n’a pas les mêmes moyens que les grands clubs, mais on a quand même un staff digne de ce nom et des choses mises en place pour faciliter la récupération, comme des bains froids, des jacuzzis et même un espace de cryothérapie.”
Nuit blanche dans toute la ville en cas de victoire !
Avant cette finale, qui se disputera dimanche à... Berne dans un stade rempli par 32.000 spectateurs des deux clubs, la ville de Biel/Bienne a mis les petits plats dans les grands. Les joueurs seront honorés comme de véritables stars du football, quel que soit le résultat final. Une petite révolution dans une ville où le sport numéro 1 est le hockey sur glace, avec une équipe qui évolue en première division et qui est suivie par une grande partie de la localité d’environ 55 000 habitants.
“L’engouement est extraordinaire, les supporters dans la rue deviennent fous. Il y a des demandes de partout, que ce soit aussi au niveau médiatique ou du sponsoring. On passe de l’anonymat à être connus dans toute la Suisse. On sent l’engouement, même des gens qui sont habituellement moins fans et qui viennent au stade pour nous supporter. Les gens viennent aussi voir les entraînements et nous demander des
photos. C’était déjà un peu le cas avant, mais jamais avec cette ampleur. Même les supporters de hockey viennent nous encourager.”
“On sera honorés par les supporters après le match sur l’une des places principales. Toute la ville et le canton font que ça se passe bien, avec des trains spéciaux et un dispositif de sécurité renforcé. Une cinquantaine de bars diffuseront le match, mais aussi des cinémas et des restaurants. Et si on gagne, la ville a décrété une nuit blanche ! Les bars seraient ouverts jusqu’à 6 heures du matin.”
Préparés... comme Arsenal pour battre la bande à Shaqiri
Gagner ne sera évidemment pas facile. Bâle est un géant. “Une belle petite machine”, nous résume Paolo Arrivas. “C’est la meilleure équipe de Suisse, qui compte un joueur d’exception : Xherdan Shaqiri, qui n’a jamais réalisé une aussi belle saison sur le plan statistique. C’est génial de se mesurer à eux, mais on n’y va certainement pas en dilettante. L’histoire est belle, on respecte l’adversaire, mais on n’y va pas pour faire les beaux. On veut gagner ! Shaqiri, on en parle avant le match, après le match, mais pendant, ce sera juste nous contre Bâle.”
Les 16 000 places disponibles pour Biel ont été vendues en quelques minutes"
Si dans le pays, les gens sont partagés entre exploit possible et marche trop haute à surmonter, l’entraîneur de Biel/Bienne met tout en oeuvre pour préparer ses joueurs de la meilleure des manières. “On a l’habitude de jouer devant quelques milliers de supporters, mais ils seront 32.000 dimanche, dans un stade partagé. Les 16 000 places disponibles pour Biel ont été vendues en quelques minutes. La semaine d’entraînement n’est pas différente, mais certains aspects font plutôt sourire.”
“Par exemple, on s’entraîne avec des basses et un bruit de stade, comme Mikel Arteta l’avait fait avec Arsenal avant de défier Liverpool. On n’a pas l’habitude de ne pas s’entendre et de ne pas comprendre les consignes du coach. Il donne un message à un joueur et analyse comment celui-ci est véhiculé sur le terrain. On met beaucoup d’intensité, on travaille les phases arrêtées, les penalties : on ne laisse rien au hasard. La préparation est la même, mais on reconnaît la chance qu’on a d’être en finale de Coupe. Des joueurs qui font carrière en première division n’ont jamais eu cette chance.”
Le petit club de Biel/Bienne se met à rêver... d’Europe !
Le parcours de Biel/Bienne est hors du commun et rappelle celui de l’Arminia Bielefeld, club de D3 allemande qui a perdu la finale de la Coupe, le week-end dernier contre Stuttgart, lors d’un match où le petit poucet n’aura pas démérité. Paolo Arrivas et ses coéquipiers peuvent donc s’inspirer de leurs voisins allemands, à deux exceptions près : Bielefeld n’a pas gagné la Coupe d’Allemagne, ce que voudra évidemment faire Biel/Bienne, et l’Arminia est promu en deuxième division après son titre en D3, ce que n’a pas réussi à faire le club du canton de Berne, troisième du championnat.
“On était premiers à trois matchs de la fin avant de perdre deux fois. C’est dommage, car la montée était l’objectif du club, la Coupe n’étant qu’un bonus.” Le bonus pourrait toutefois devenir sacrément juteux : en cas de victoire, le petit club de Biel/Bienne disputera les barrages de l’Europa League, et aurait l’assurance de disputer la Conference League en cas de défaite.
“Ce serait extraordinaire, incroyable, je ne sais pas si une équipe de D3 a déjà joué la Coupe d’Europe. On pourrait rencontrer l’AS Rome ou des clubs de Premier League, ce serait dingue”, a conclu un Paolo Arrivas rêveur, mais pleinement concentré sur l’objectif collectif.