Interview Patrick Aussems "l'avenir du football se trouve en Asie"

Olivier Baute
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Patrick Aussems "l'avenir du football se trouve en Asie"
Photo: © SC

Cet entraineur belge vient de qualifier l'AC Leopards de Dolisie pour les huitièmes de finale de la Champions League africaine. Il a répondu à nos questions.

Les plus anciens s'en souviennent, Patrick Aussems était un solide défenseur du Standard dans les années 80, disputant plus de 200 rencontres pour le compte des Rouches, aussi bien sur la scène nationale qu'européenne. Par la suite, après deux saisons à La Gantoise et Seraing, le natif des Fourons a rejoint le club français de Troyes jusqu'en 1994. Aussems, âgé de 29 ans et déjà coach dans l'âme, s'est exilé à La Réunion pour y coacher Sainte-Louisienne et Capricorne.

Après quelques titres, Aussems a coaché un club camerounais de première division avant de rejoindra Angers en 2005 pour y officier en tant qu'adjoint de Stéphane Paille, ancien international français. Les deux larrons s'entendent rapidement et se retrouveront d'ailleurs quelques années plus tard à Evian en 2009. Entretemps, durant trois ans, Patrick Aussems signera une belle page de sa carrière au Benin où en tant que directeur technique national et sélectionneur, il qualifiera le pays pour trois Coupe d'Afrique des Nations. Entre 2011 et 2013, c'est une nouvelle aventure qui attendait l'entraineur belge qui devenait entraineur principal à Shenzhen Ruby et Chengdu Blades.

Wf: Quel bilan tires-tu de ces premiers mois à AC Léopards de Dolisie?

Après un très bon stage d’avant-saison en Afrique du Sud, sans mes treize internationaux qui disputaient la CHAN (Championnat d'Afrique des Nations réservé aux joueurs évoluant sur le sol africain), et un gros travail physique et tactique, j’ai maintenant 35 joueurs à ma disposition. On a donc beaucoup travaillé par rapport à ma philosophie et mes principes de jeu et je suis très satisfait de l’adhésion des joueurs. Le début de saison est positif avec deux tours passés en Champions League et trois victoires en autant matchs en championnat national et me permet donc de tirer un premier bilan favorable. Mais, nous ne sommes qu’au début de la saison.
 

Wf: Peux-tu nous expliquer en quelques mots l'atmosphère durant votre dernier match en Angola?
 
L’Afrique est spéciale, notamment en termes de croyance, de fétichisme. L’Angola étant particulièrement concerné par ces phénomènes, nous avons eu droit un accueil "particulier". Il faut savoir qu’ils ont très mal accepté leur défaite de l’aller, donc nous nous attendions à avoir quelques soucis. La veille par exemple, nous sommes arrivés avec notre avion privé et les autorités ont amené la passerelle 1h15 après notre atterrissage. Ensuite, nous avons eu trois heures d’attente à l’hôtel pour avoir les clés des chambres. Sans parler du fait que nous n'avons pas eu d’escorte pour aller à l’entrainement, donc 1H45 de trajet en bus pour la séance d’entrainement officielle de veille de match. Le jour du match, nous avons retrouvé des grigris dans les vestiaires. C'est à dire des oiseaux morts dans chaque casier de joueur et des plumes répandues partout dans le vestiaire. Il y a eu des bagarres avec les membres de la sécurité dès notre arrivée au stade, mais également pendant le match avec les ambulanciers qui avaient foncé sur mes remplaçants avec la voiturette pour emmener les blessés. Les ramasseurs de balle crachaient sur mes joueurs et pour finir, nous avon eu droit à un  arbitrage "maison" avec des penalties et huit minutes de temps additionnel. Mais bon, cela n’a pas suffi à nous éliminer.
 

Wf: Vous êtes à présent en huitième de finale de la Champions League. Quels sont les objectifs du club?
 
L'objectif du président est de gagner la Champions League si possible dès cette année! La mienne, et celle des joueurs, est de continuer notre progression au niveau continental. Donc, d’atteindre la phase des poules, puis d’essayer de faire mieux que l’an dernier. C'est-à-dire d'aller en demi-finale.
 

Wf: Tu as entrainé en Chine jusqu'il y a peu. Peut-on s'attendre à un réveil de ce pays au niveau du football?
 
Le réveil chinois va avoir lieu, mais cela prendra encore quelques années. En effet, jusqu’à maintenant, ils n’avaient accordé aucune importance à la formation des jeunes. Ils pensaient que, comme dans la vie, quand ils décident quelque chose, ils peuvent l’obtenir immédiatement! Or, en football, la formation des jeunes est essentielle. Le gouvernement a donc décidé de construire des académies dans toutes les provinces et de promouvoir le football. Le premier secrétaire étant un fan de foot, il en a fait une priorité nationale et tout le monde suit! Donc, ils ont beaucoup consulté. J'ai d'ailleurs été reçu par lui avec Philippe Troussier pour discuter de l’avenir du foot chinois et ont pris les choses en main. Il faut donc s’attendre à une émergence du foot chinois dans les équipes de jeunes au niveau international dans les quatre-cinq prochaines années et, probablement, une équipe nationale compétitive pour la Coupe du Monde 2022 ou en 2026.
 

Wf: Tu as aussi connu la belle ascension d'Evian en tant qu'adjoint. Trop à l'étroit dans ce costume?
 
Pas trop à l’étroit, car nous étions vraiment en symbiose avec Stéphane Paille qui est d’ailleurs resté un vrai ami! Mais, il me semblait qu’il était temps d’essayer de faire passer mes idées. J’ai toujours aimé avoir des responsabilités, donc le poste de coach principal me convient mieux car je peux imposer mes idées. Après, seuls les résultats parlent en football. Mais je préfère assumer mes choix que ceux des autres !
 

Wf: De manière étonnante, tu n'as jamais entrainé en Belgique. Un regret ou tu es satisfait de la tournure de ta carrière à l'étranger?
 
J’ai quitté la Belgique il y a plus de vingt ans. Toute ma famille, ainsi que celle de ma femme, est toujours là-bas, mais nous sommes installés dans le Sud de la France. Ma fin de carrière de joueur s’est déroulée en France, j'y ai passé mes diplômes et mon expérience d’entraineur s’est construite en France, en Afrique et en Asie. Donc, je pense que la Belgique m’a oublié, ce qui me semble normal puisque je ne cours pas non plus derrière les journalistes pour avoir mon nom dans le journal. C’est juste une constatation.
 
Je suis satisfait de ma carrière d’entraineur depuis quelques années, car j’ai eu des postes intéressants tel qu'adjoint ou entraineur principal dans des clubs pros, sélectionneur national ou directeur technique national, qui m’ont permis d’avoir cette petite expérience internationale. Et pour boucler la boucle , le dicton dit qu’on revient toujours à ses origines. Donc, dans le cadre d’un vrai projet sportif dans un bon club belge ambitieux, je serais assez tenté de relever ce défi!
 

Wf: Vu tes récentes expériences en Asie et en Afrique. Sur quelle nation de ces continents miserais-tu?
 
Il est sûr que l’avenir du football se trouve en Asie. Les moyens économiques et financiers sont énormes, de superbes infrastructures, des joueurs travailleurs et disciplinés, une volonté politique et sportive de développement, mais une qualité moyenne des joueurs! En Afrique par contre, peu de structures à part dans quelques pays et dans quelques clubs, peu de moyens financiers, des joueurs assez indisciplinés, trop de profiteurs autour des équipes, mais des qualités individuelles (technique et physique) au-dessus de la moyenne!
 
Donc, les sélections africaines vont encore rester quelques années supérieures aux sélections asiatiques. Mais, il va y avoir une émergence du football asiatique en général et du football chinois en particulier, c’est une certitude!
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