Interview Sergueï Aleïnikov, titulaire face aux Diables en 1986, évoque Belgique-Biélorussie

Sergueï Aleïnikov, titulaire face aux Diables en 1986, évoque Belgique-Biélorussie

La Biélorussie a compté peu de représentants au top européen et en sélection d'URSS, mais Sergueï Aleïnikov est une des exceptions : champion d'Europe avec la Juventus, il a également affronté les Diables en 1986 dans l'un des matchs les plus importants de l'histoire du football belge. Entretien...

Sergueï Aleïnikov (59 ans) est une légende du football biélorusse : milieu défensif talentueux, il réussit l'exploit de remporter le titre de Soviet League avec le Dinamo Minsk en 1982 (le seul titre d'un club biélorusse en championnat d'URSS). Titulaire avec l'URSS au Mondial 1986, il y inscrira un but splendide face à la Hongrie et sera titulaire en 8e de finale face à la Belgique, qui se qualifie au terme d'un match fou (3-4). Aleïnikov ira ensuite en finale de l'Euro 1988 avec l'URSS, et quittera ensuite le Dinamo Minsk pour la Juventus de Turin où il remporte la Coupe de l'UEFA en 1990. Difficile d'imaginer meilleur interlocuteur pour parler du match de ce mardi face au Belarus ... 

Mr Aleïnikov, bonjour. Je voudrais d'abord, bien sûr, évoquer ce match de 1986 face à la Belgique ... Est-ce un souvenir difficile ? 

Dans ce genre de cas, le temps est le meilleur des médecins (sourire). Cela fait 35 ans désormais, et même si le résultat était difficile à accepter, le temps a fait son oeuvre. 

Ce 8e de finale reste un match référence pour la Belgique face à une URSS grande favorite ... Quels souvenirs avez-vous de cette équipe belge ? 

Ah, l'URSS était favorite ? Bon ... Tout peut arriver dans ces grandes compétitions. Comme je vous l'ai dit, le résultat était difficile, d'autant plus quand on sait que deux buts belges semblaient invalides. Un joueur belge, surtout, m'a marqué : Jan Ceulemans. C'était vraiment un attaquant très doué, certainement le meilleur joueur de la Belgique. 

Deux ans plus tard, vous allez en finale de l'Euro. À titre personnel, vous marquez l'un des buts les plus rapides d'une phase finale d'Euro (2min07 de jeu face à l'Angleterre, 4e but le plus rapide d'un Euro) ... 

Oui, et j'avais déjà marqué un joli but en 1986 (sourire). 

Cette génération soviétique aurait-elle dû gagner quelque chose, doit-elle avoir des regrets ? 

(soupir) Je n'aime pas parler au conditionnel, c'est du passé. Seuls les contemporains peuvent juger ce qui a été fait. Ce qui est certain, c'est qu'en 1988, c'était l'année des Pays-Bas, je pense. Ils avaient une génération fantastique avec des joueurs comme Marco Van Basten, Ruud Gullit ... J'étais présent pour ce but légendaire de Van Basten (sourire). Cela dit, peu de gens s'en rappellent, mais nous avions également disposé d'une journée de repos de moins que les Pays-Bas avant ce match. Ca a peut-être eu une certaine influence sur notre performance. 

Pouvez-vous comparer cette génération belge de 1986, que vous avez affrontée, avec l'actuelle, la génération qui affronte la Biélorussie mardi ? 

C'est une question de journaliste, ça (rires). Chaque époque est différente et on ne peut juger les joueurs et les équipes que dans leur contexte. On m'a souvent demandé qui était le meilleur entre Maradona et Pelé. J'ai affronté Maradona, je n'ai pas affronté Pelé et je n'ai vu que peu d'images de ses matchs : comment puis-je répondre ? Le meilleur que j'ai affronté, c'est Van Basten, qui était l'attaquant parfait - des deux pieds, de la tête, technique, physique ... Mais là encore, ce n'est qu'une opinion. 

Vers la fin de votre carrière, vous avez pu porter le maillot de la Biélorussie nouvellement indépendante. Quelle saveur cela avait-il ? 

Honnêtement, je m'en rappelle peu tant cela s'est passé vite. Il y a d'abord eu une équipe "transoviétique" (le CIS, qui réunissait les joueurs de la désormais ex-URSS, nda), puis la Biélorussie pour quelques matchs, mais je n'en ai joué que 4 ou 5. L'URSS était déjà une "vraie" équipe, à laquelle nous sentions tous une appartenance. Et comme j'évoluais à l'étranger depuis de longues années lorsque j'ai pu jouer pour la Biélorussie, je n'ai pas eu l'occasion d'en réaliser l'importance. 

Jan Ceulemans au premier plan ; au second, avec le n°20, Sergueï Aleinikov (source : RTBF)

L'équipe de Biélorussie n'a connu que peu de stars, de joueurs partis à l'étranger. Vous avez évolué à la Juventus, Alexander Hleb est évidemment le plus connu, mais aujourd'hui, la quasi-intégralité des biélorusses jouent au pays, ou chez les voisins ... 

Cette sélection a vraiment du mal à intéresser les supporters. On blague en disant que si certains joueurs jouent au football, il y en a qui jouent à la baballe. Le Real Madrid, le Barça, les grandes équipes jouent au football. Si vous et moi, nous prenons un ballon et allons jouer dans le parc, nous jouons à la baballe. Le Belarus actuel a trop de joueurs de baballe et pas assez de bons footballeurs (rires). C'est un problème qui vient de la formation des jeunes ... Il manque de managers capables de faire progresser les joueurs en Biélorussie, de les faire se développer techniquement et tactiquement. Pourtant, nous avons 10 millions d'habitants ; il y a du talent à faire éclore. 

La seule chance de la Biélorussie serait que les Belges la prennent de haut 

Je sais qu'en Belgique, par exemple, Anderlecht fait un travail de qualité avec les jeunes. En Biélorussie, tout sera axé sur les résultats : on demande des résultats aux académies de jeunes, de gagner la ligue, et le coach mettra donc les garçons les plus en avance sur le plan physique. Ca ne ressemble à rien sur le plan footballistique : de longs ballons, de l'impact ... Mais ça n'a aucun sens de se focaliser sur les résultats quand vos joueurs ont 14-15 ans. C'est secondaire. Il faudrait faire primer leur progression en tant que footballeurs. Sinon, ils arrivent à l'âge adulte avec des lacunes ... 

La sélection est cependant capable d'obtenir des résultats, a failli aller chercher sa première participation à l'Euro ... 

Le problème, c'est qu'il n'y a pas de continuité. Ils peuvent tenir tête à la France ou aux Pays-Bas sur un match, mais parfois passer au travers dans des matchs plus simples, et au final, ces bons matchs ne se voient pas au classement. Or, c'est ce qui compte. 

Voyez-vous cependant un joueur dont la Belgique doit se méfier ce mardi ? 

Je pense que ce mardi, la seule chose que risque la Belgique, c'est de prendre la Biélorussie de haut. S'ils jouent sur une jambe, les Belges risquent une mauvaise surprise. S'ils jouent sérieusement, ils peuvent en planter cinq ... 

Et vous, personnellement, quel joueur belge vous impressionne ? 

Je n'aime pas parler d'une individualité en particulier, car le football est un sport d'équipe. Je peux vous dire que Romelu Lukaku est votre meilleur joueur, mais que peut-il faire sans les autres ? Rien, car l'équipe est plus importante. Cela dit, j'aime beaucoup son profil, c'est un excellent attaquant qui joue pour l'équipe et sait aussi faire jouer les autres. 

Mr Aleïnikov, merci pour votre temps et vos réponses.

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