L'Alphabut de Dupk : la lettre C

Dirk Diederich
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L'Alphabut de Dupk : la lettre C
Photo: © SC

Voici la lettre C comme Cruijff. Rarement une personne n'aura autant marqué l'histoire du football moderne.

C comme Cruijff

 

J.C.   Johan Cruyff. Il y a le foot avant JC et le foot après JC. Pendant longtemps, les stars internationales ont défilé sur le catwalk de l'histoire du foot, les unes pour leur maniement habile du cuir, les autres pour leurs facéties, d'autres encore pour leur look. Mais un jour advint Cruijff, le Hollandais volant, celui qui chamboula toutes les conventions, d'abord comme joueur, ensuite comme entraineur et enfin comme théoricien.

 

Chez l'homme, il y avait du protestant, de l'anti-institutionnel. Pas d'église du foot. Pas de dogme, sinon le dribblez-vous les uns les autres. Le jeu revenait ainsi à sa genèse. « Le football est un jeu simple, la difficulté, c’est d’y jouer simplement » dit-il.

 

Le ballon désormais avec lui, mollécule folle, se bridera, se harnachera, s'inspirera, s'invitera, s'imaginera, se stimulera, se raisonnera, se parlera. Depuis Cruijff, le joueur n'est plus une quille de football de table coincé sur sa barre des stéréotypes. Cruijff, joueur, arpentait en Pégase racé, crinière de panache au vent, l'ensemble du demi hectare de pelouse anglaise, à l'inspiration, à l'intuition. Mai 68 explosait d'insolence. L'Ajax d'Amsterdam prenait son envol.

 

Un joueur frêle, mais insolent, petit mais géant dans sa tête, une espèce de Napoléon, sans les carnages de sang, sinon plus symbolique des déroutes et du ridicule infligés aux adversaires. La carrière du joueur multipliera les coups d’audace. Le plus célèbre numéro 14 de l’histoire rendra le football rock’n’roll. Il créera l’Ajax Amsterdam d’un coup de baguette magique, du moins, il lui donnera ses lettres de noblesse.

 

Ensuite, avec l’équipe nationale, il partira à l’abordage du WM allemand de 1974. D’un côté, les Beckenbauer et Mueller avec leur football de discipline, leur football athlétique, leurs trois tranchées devant Sepp Maier, le gardien à culottes longues. De l’autre, Cruijff, Neeskens et leur bande de hippies chevelus. D’un côté, à la veille des matchs, les mangeurs d’apfelstrudel qui vont dormir à l’heure où les poules se couchent. De l’autre, les mangeurs de Gouda opiacé qui vont se coucher ...avec les poules de luxe. D’un côté, le football au garde à vous. De l’autre, le football « Prends garde à toi ». Dans les chiffres, l’Allemagne gagnera certes la Coupe Jules Rimet, mais dans les lettres, les Pays-Bas écriront une des plus belles phrases de la geste du football moderne. Beckenbauer dira :” Johan war der bessere Spieler, aber ich bin Weltmeister”

 

D’ailleurs, les Allemands s’étant, malgré la victoire, senti bafoués, humiliés se vengeront, par le Bayern interposé, quatre ans plus tard à Amsterdam pour le match de gala que l’Ajax avait organisé en l’honneur de son emblématique numéro 14 parti à Barcelone.  Le Bayern battra les rouge et blanc de Cruijff 0-8. Du jamais vu lors d’un hommage.

 

Pelé, Garrincha, Di Stefano, Puskas et d'autres émerveillaient les foules pour leurs numéros de cirque dans l'arène des conformismes. Ils apportaient un grain de folie au jeu. Ils étaient comme des virgules placées parfois de façon inattendue en fin de phrase. Ils dénouaient une situation. Y allaient d’une géniale pichenette, d’un sourire de dribble, d’un tir au but inouï. Cruijff, c’était tout ça, mais c’était davantage encore. Un Ronaldinho dans ses bons jours s’approche techniquement du joueur Cruijff, mais sans la réflexion de Cruijff qui animera et nourrira toutes ses équipes. Aujourd’hui encore, les Pays-Bas jouent comme du temps de JC. Aujourd’hui encore, l’Ajax joue comme du temps de JC. Aujourd’hui encore le Barça joue comme du temps de JC. Car Cruijff a joué. Car Cruijff y a fait jouer.

 

Cruijff est un discours. Un philosophe du jeu à onze qui parle, qui enfile les perles langagières. Il n’a pas la plume d’un Jan Mulder, autre génie batave, mais il en a le verbe incarné, l’insolence, sans la gouaille cependant de l’ancien avant-centre d’Anderlecht reconverti depuis en écrivain de talent.

 

Voici quelques-uns de ses aphorismes les plus célèbres :

 

- « Quand les Italiens ont une occasion, ils en mettent deux au fond du but »

- « Le football est un jeu d’erreurs. Celui qui en commet le moins gagne »

- « Quand nous avons le ballon, l’adversaire ne peut pas marquer »

- « Les Italiens ne savent pas gagner, mais toi, tu peux perdre contre eux »

- « La tactique, ce n’est pas éliminer un joueur adverse, c’est savoir ce qu’on fait ».

- « Un joueur qui fait un sprint, c’est un joueur qui a démarré trop tard »

- « Si on veut accélérer le jeu, on peut bien sûr courir plus vite, mais fondamentalement, c’est le ballon qui détermine la vitesse du jeu ».

- « Sans ballon, impossible de gagner »

- « Quand on a la possession du ballon, pas besoin de défendre, il n’y a qu’un ballon »

- « La vérité n’est jamais exactement comme on pense qu’elle devrait être »

- « Quatre défenseurs et quatre médians, ça marche pas. Y a plus de triangle. Or, il faut toujours des triangles, car alors on a toujours deux possibilités de passe ».

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