L'Alphabut : la lettre s comme St-Pauli

Dirk Diederich
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L'Alphabut : la lettre s comme St-Pauli

Dupk nous propose la lettre suivante de son Alphabut, une lettre qui nous emmène dans son Allemagne natale. Voici en effet la lettre S comme Sankt-Pauli FC.

S comme Sankt-Pauli

« Aujourd’hui où le globe, tout hérissé de démarcations, ne se laisse plus pincer à la taille aussi facilement qu’autrefois, je me demande si le sport n’est pas le dernier espéranto, le champion, le dernier passe-frontière, le brevet de sélection, le dernier sauf-conduit ».
(Antoine Blondin)

« Le style de saint Paul (...), qu'est-il, à sa manière, si ce n'est l'improvisation étouffée? (...). On dirait un bègue dans la bouche duquel les sons s'étouffent, se heurtent et aboutissent à une pantomime confuse, mais souverainement expressive. »                   
(Ernest Renan)

« Je suis le grondement du tonnerre, une pluie torrentielle                                                     
J'arrive comme une tempête                                                                                        
Mon éclair étincelle à travers le ciel »                                                                                    (Hell’s bells -
AC/DC)

« Sankt-Pauli, quartier de Hambourg - ville portuaire - ville de putes tragiques et de dockers balaises - la célèbre Reeperbahn, espèce de Champs Elysées du sulfureux  chantée par Tom Waits – atmosphère saline – théâtres – tripots – cabarets – cuisses en jarretelles – errances nocturnes sur les premiers airs des Beatles qui y trainent encore - Et le Millerntor Stadion »

(Dupk)

 

 

 

 

Je suis Allemand. De passeport. De par les goûts culinaires. De par mes odes à l’apfelstrudel. L’allemand est ma langue maternelle. J’ai têté également plus tard aux seins de la Flandre et de Bruxelles, tout en mammelles lourdes de laits surréalistes. Teuton têtant, têtard têtu, je l’ai été mon enfance durant. Mais je suis fondamentalement Allemand à la façon de n’importe quel imbécile. Ponctuel comme une montre suisse ...allémanique, discipliné jusque dans mes chaos, « kitschophile » jusque dans ma passion pour Boney M, Donna Summer et Mireille Mathieu, ces génies du Schlager d’Outre-Rhin.

Fils spirituel de Rosa Luxemburg et de Nestor Makhno, j’ai le sang noir des anars qui me chatouille les artères, ce sang qui coule en moi tantôt comme un Titanic du désespoir, tantôt comme un Potemkine rebelle. Footballique comme le pape est catholique, je rêve parfois d’une équipe qui alignerait Marius Jacob, Raymond-la-science, Nestor Makhno, Ravachol, Buenaventura Durruti, Jules Bonnot, Nicola Sacco, Bartolomeo Vanzetti, Mikhail Bakounine, Louise Michel et Leon Tolstoi. Mais un rêve n’est souvent qu’une brume de nostalgie cotonneuse et cette équipe mythique n’évoluera jamais qu’au Stade municipal du Cimetière des Eléphants.

Restent alors la modeste poésie du temps présent, les vapeurs et les coups de coeur pour un instant furtif, l’entichement pour un pied de nez, la passion éphémère pour un doigt d’honneur insensé et sans lendemain. Le FC Sankt Pauli est un de ces majeurs dressés pour défier les marchands de tous les temples.

 

Ce club des Flibustiers vient de fêter son centenaire au mois de mai 2010. Et de la plus belle façon puisqu’en cette année jubilaire, les Hambourgeois accèdent à nouveau à la Bundesliga. Les Brun et Blanc n’ont aucun palmarès digne de l’excellence (à part une éphémère première place en Bundesliga lors de la saison 1995-1996 après ... la première journée), ils ne rencensent pas la moindre participation à une coupe d’Europe, sinon une participation à la Fifi Wild Cup, une compétition qu’ils ont eux-mêmes organisés en invitant au nom de la République de Sankt-Pauli une série d’équipes nationales non-officielles comme le Groenland, Gibraltar, le Zanzibar et le Tibet.

Les Freibeuter (flibustiers) hanséatiques arborent haut leur étendard à Totenkopf (tête de mort) comme pour mieux souligner leur galère libertaire. Ecumeur des mers qui réalise des casses ponctuels, des à-coups fabuleux, il a du mal cependant à flotter paisiblement sur le long cours. Car parfois, le Brigantin prend l’eau, un comble pour ses supporters amateurs des alcools les plus forts. Et il faut alors le renflouer. Comme en 2002 où en faillite plus que virtuelle, les Nordistes organisèrent une colossale Retteraktion : cent vingt mille t-shirts au logo du FC St-Pauli furent vendus et une vaste opération « Saufen fur St-Pauli » (écluser pour St-Pauli) fit un sort à des centaines de milliers de chopes pour la bonne cause. Près de deux millions et demi d’euros furent ainsi récoltés pour permettre au club de rebondir en D3.

Club anti-fasciste avoué, anar réaliste, le St-Pauli multiplie les coups. Abonnements à vie, abonnements à l’année, abonnement à la journée, tickets à neuf euros, stade à tribunes debout malgré la rénovation en cours, retransmission télé en direct de ses matchs sur son site internet, manifestations culturelles et sociales dans les tribunes, rien arrête l’imagination des capitaines Crochet de la Baltique.

Par ailleurs, les joueurs montent sur la pelouse aux sons des Hell’s Bells d’AC/DC. Et si les saisons des Brun et Blanc en Bundesliga s’apparentent souvent à un calvaire,  l’enfer qu’ils réservent à leurs adversaires au Millerntor Stadion est plus qu’un retour de la monnaie de leur pièce. Le FC St-Pauli peut descendre au bout de sa nouvelle Saison en Enfer, du moment qu’il bat le HSV et le Bayern, il montera d’un degré encore dans l’estime de ses partisans. Car comme l'a dit Arthur Rimbaud : "La vie est une farce à mener par tous".

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