Vista Local: Sept bonnes raisons et une espérance

Olivier Baute
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Vista Local: Sept bonnes raisons et une espérance
Photo: © Photonews

La Coupe du Monde est au repos, Bernardo nous conte sa découverte du football auriverde et ses particularités.

J'aimerais me remémorer le premier match de football brésilien que j'ai vu à la télévision brésilienne. Je n'en ai aucun souvenir. Je me souviens seulement de ma déception, mon amère déception. C'était lent, anarchique, heurté, sur un mauvais terrain, avec des contrôles dignes de la Jupiler League. Je me suis senti très bête, moi qui pensais découvrir une centaine de Cruz, de Romario, de Kaká, de Dante, de Ronaldo, de Ronaldinho Gaúcho, ... rien de tout cela.


Ensuite, il y eut la difficulté de reconnaître et identifier les équipes, sans parler des joueurs, et les terrains. Des noms d'animaux pour les équipes, des noms divers pour les stades et quasi toutes les clubs en noir et blanc, ou parfois rouge. Une équipe en bleu (Cruzeiro), deux en vertes (Palmeiras et Curitiba), une en tenue de carnaval (Fluminense) et, ouf !, une en rouge et blanc (International), 17 clubs qui s'appellent America quelque chose et 13 Atletico autre chose.


Puis, les fonctions des joueurs sur le terrain sont différentes et portent donc des noms différents. Un médian défensif ? Un "Volante", par exemple.
 

Un football loin des clichés, devant peu de monde, avec des fautes grossières, des simulations, qui se terminent, sans étonnement, à 8 contre 9, avec des temps supplémentaires entre 2 et 5 minutes en 1ère mi-temps et 3 et 8 en seconde. Et la bombe blanche, qui fonctionne très bien, pour les distances.


Puis, ma surprise devant les juges de ligne féminins et ma détresse - mon immense honte - quand la gendarmerie, armée et casquée monte sur le terrain à la fin d'un temps réglementaire pour encadrer les arbitres et les ramener aux vestiaires.


Enfin, de temps en temps, quelques beaux gestes ou quelques beaux mouvements. Tout doucement, je me laisse apprivoiser. Um ami libraire me conseille une revue mensuelle, je lis les journaux à ma façon, tachant de comprendre pourquoi les appréciations sont différentes des miennes.
 

J'ai enfin décidé d'étudier de plus près le jeu.


J'ai découvert que les brésiliens, comme les sud-américains, ont des dispositions d'équipe différentes des équipes européennes, loin des 4-4-2 ou pseudo 4-3-3 chères aux supporters belges. Les équipes jouent en 3-5-2, en 3-4-3 ou, les meilleurs, en 4 lignes ou rarement 5. Je me suis rendu compte que la disposition des lignes changeait selon que l'équipe défendait ou attaquait et que cette disposition était prioritaire sur l'animation. (C'est bien le cas de l'Argentine en 2014 et, sans doute, la raison pour laquelle elle fait déjouer l'équipe adverse). Ainsi, un arrière-central ne tente pas de relancer à tout prix: il envoie la balle le plus loin possible en touche ou tape une balle en cloche, ce qui permet á tout le monde de reprendre sa position. Cela ne vous rappelle rien ? Ce sont des stratégies de rugby et de football américain. L'avantage est indéniable : le groupe reste compact - quand le physique suit -et le bloc joueur se déplace en attaque ou en défense. L'inconvénient est la lenteur de la reconversion et l'absence de possession.


De même, un avant qui perd le ballon ne le chasse pas. Cela leur apparaît absurde et source de fautes dangereuses. Il revient couvrir le joueur qui fait opposition. C'est pourquoi on ne traîne pas en position hors-jeu. Ce que j'apprécie car j'ai toujours eu en horreur les avants qui restent au sol, refont les lacets de leurs chaussures ou reviennent en marchant. Je ne comprends pas que l'on ne se rende pas compte que dans ces cas-là, il ne reste que 8 ou 9 joueurs en position de jeu et que l'aire de jeu est réduite de 35% en moyenne, puisque toute la surface derrière le dernier défenseur adverse est hors-jeu. Cela contraint les médians à jouer latéralement ou en retrait en attendant que leurs coéquipiers daignent revenir. Ainsi, Lukaku lors de Belgique - Algérie a empêché plus de relances belges que n'importe quel arrière algérien, par la seule qualité de sa marche lente.


La priorité accordée au retour du dispositif initial ou souhaitable ménage également des temps de récupération. Victor Ramos, international jeune transféré au Standard, n'a jamais compris pourquoi ses coéquipiers ne reprenaient rapidement leur position. Pour lui, ils jouaient très mal. Les supporters pensaient de même de Victor Ramos.


Pour comprendre le pays, j'ai étudié son histoire. Courte, car la période précoloniale ne paraît pas importante. J'ai retrouvé des thèmes d'études qui m'ont toujours intéressés : l'esclavage, la constitution des états et la colonisation. Il y a ainsi de remarquables études comparatives entre les colonisations anglaises, espagnoles et portugaises. Ainsi, les Anglais avançaient de fort en fort avec des colons qui recevaient des terres de culture ou d'élevage, sous la protection de l'armée. Les Portugais confiaient à des mercenaires le soin de rechercher les richesses à l'intérieur des terres. Fanatiques comme seul peut l'être un chercheur d'or, ils partaient par groupe de 100, faisant entre eux la concurrence aux exploits individuels, conquérant les femmes indiennes, l'or, les diamants, les émeraudes, l'argent, les têtes coupées et les parures... On les appelait les "Bandeirantes". Ils rapportaient dans les villes leurs légendes prouvées par les trophées. Le courage l'emportait sur la fin. Ils ont laissé des héritages : l'intérieur des terres, des routes, des haines contre les natifs et un art de la conquête.


Ceci a été étudié par des professeurs d'université. L'un d'eux a établi un parallèle entre le jeu des footballeurs brésiliens de haut niveau et les bandeirantes. Garrincha ou Pelé, et tous les autres se lançaient, se lancent dans de grands raids dans l'équipe adverse, dribblant, feintant, toujours debout, recommençant, avant de terminer, épuisé, par un tir au but ou une passe quelconque (en général une talonnade). Cette grande tradition est exaltante.


J'y ai repensé lorsque le stade de Paris s'est levé lors d'une raid de Lucas Moura en Champions League. Les footballeurs du Brésil ont gardé cet état d'esprit. C'est leur vérité. Lorsque Neymar a débuté à Santos, ses raids étaient tellement dévastateurs que j'avais l'impression que ses propres équipiers s'arrêtaient pour l'admirer.


En regardant la Copa dos Libertadores, je me suis rendu compte, cependant, que la Colombie, le Venezuela, l'Equateur et surtout la U (Universidad de Chile) de l'entraineur argentin Jorge Sampaoli avait adopté le jeu de possession espagnole, alternant ces petites passes répétées, permettant de se repositionner pour une attaque et les raids vers les but adverse. Je ne voyait pas L'argentine et le Brésil prendre conscience des mutations. Bien l'Uruguay, par contre.


J'ai alors pu mieux apprécier le jeu et même regardé les matchs de division 2. Pour des raisons affectives, j'ai choisi mon club : l'Atletico Mineiro que j'avais vu jouer contre le Standard lors d'un match amical, lors de mon enfance et pour pouvoir blaguer avec mes amis, en général supporters de Cruzeiro.


Très fier, j'étais prêt pour gagner ma première Coupe du Monde de 2010 avec mon pays d'adoption et Dunga, qui allait combler un manque de bien des années.


Dunga est l'homme qui a voulu européaniser le football brésilien. Je n'ai pas compris sa sélection. Elle ne correspondait pas aux données statistiques, elle écartait tous les brillants bandeirantes du football brésiliens, elle partait du principe que tout joueur jouant en Europe est plus fort que n'importe lequel jouant au Brésil, ou en Chine ou en Arabie. Un peu comme si un entraineur belge considérait que la Corée est un adversaire sérieux parce que 4 ou 5 joueurs - il ne le sait même pas très bien - joue en Bundesliga (1 ou 2 ?)...


Durant les matchs de préparation, j'ai eu l'impression de voir une caricature de football européen, mais cette rigueur me paraissait bonne, jusqu'au moment où je me suis demandé qui faisait l'équipe, car certains choix étaient aberrants.


J'ai appris de mes contacts qu'il y avait un pasteur influent, un pasteur qui avait créé l'Eglise des Athlètes du Christ, dont le chef de prière était Nilmar (dans ce cas exempté à vie d'impôt comme les fondateurs et les servants l'Eglise : coût de la création : moins de 500 euros) avec des joueurs comme Kakà comme fidèle... Priorité était donné à ces fidèles dans la sélection sous prétexte d'unité et d'automatisme...


J'ai perdu la foi, le Brésil a perdu le titre et le football a enterré les enfants de Garrincha dans une fosse commune.

Fin du premier acte.

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