Lettre ouverte de John Baete à Roland Duchâtelet

L'ancien rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine a pris sa plus belle plume pour écrire au propriétaire-président du Royal Standard Club de Liège.

Cher Monsieur Duchâtelet,

Voyant très froidement et en toute objectivité ce qui se passe dans votre club, permettez-moi de vous livrer le fond de mes pensées.

Conscient que certains éléments vous amènent  à  vous distancier des préoccupations journalières des supporters rouches et de toute la communauté footballistique belge, je me demande quand même s’il ne serait pas bon que vous sortiez de votre tour d’ivoire.

Je peux comprendre que vous imaginiez un destin mondialiste à votre club.  Tout comme pour vos affaires, vous estimez que pour perdurer et réussir il faille embrasser le globe.  On sait que l’hinterland économique belgo-belge en matière de football maltraite autant  vos méninges que les sources de financement pour votre club.  Et si votre vision de forcer une Bénéligue s’est vue opposer un refus de toutes les parties concernées – sans parler de la possibilité de jouer en Ligue française-, voilà que vous sortez dans ce mercato une autre idée encore plus lointaine dans le temps (vos deux nouveaux attaquants sont des projets sportifs) et dans l’espace ( ils proviennent du Japon sans escale européenne préalable).

Je suppose que, comme d’habitude dans votre aventure footballistique, vous avez été séduit par une idée venue de  certains nouveaux cercles d’influence.  Votre manière de raisonner absolument cartésienne, formation d’ingénieur oblige, vous force constamment à réaliser un projet qui doive fonctionner.  Dans les affaires, vous avez lancé des idées, les avez imposées  et développées au départ d’un petit groupe de spécialistes avec un impact énorme sur le plan socio-économique.  Là, vous avez effectivement conquis des marchés mondiaux grâce à vos produits.  Mais croyez-en ma longue expérience du sport professionnel, la direction d’un club n’est pas comparable à un produit que l’on développe et place de manière calculée et analytique.

N’oubliez pas que dans le sport, vous avez à faire avec de l’humain.

En Jupiler Pro league, vous ne vendez pas des senseurs électroniques pour l’industrie automobile (par exemple) mais du rêve et de l’émotion.  Votre marché n’est pas constitué de sociétés cotées en Bourse mais de  spectateurs, d’abonnés, de fans.  Vous n’avez pas affaire à des matières inertes au départ et mises en œuvre par les dernières technologies mais à de la matière humaine, possédant un cerveau non virtuel et un cœur.  Et une psychologie.  Bref, vous devez parler à vos clients du foot, qu’ils soient supporters du Standard ou du football.  D’urgence.  La situation est devenue trop tendue pour que restiez confiné dans un silence hiératique.

Ne soyez plus figé, ne laissez plus vos deux généraux Mircea Rednic et Jean-François de Sart s’empêtrer dans des déclarations que vous niez ou détricotez par vos actes (le départ de Pocognoli pour Hannovre mardi soir en est le dernier exemple). Et ne faites pas semblant de ne pas ressentir de pression venant de l’un ou l’autre.  Il n’est pas logique, dans votre conduite habituelle des affaires, que vous laissiez s’installer des discours non convergents.  Dans votre vie hors-football, vous n’avez jamais hésité à vous séparer de ceux qui ne partagent pas vos desseins.  Apparemment et jusqu’à preuve du contraire, vous adoptez au Standard une vue différente au risque d’installer une cacophonie totale dans votre club, ce qui est en train d’arriver.

Que l’image du Standard et ses résultats en pâtissent, c’est votre responsabilité mais vos supporters et les suiveurs belges ont tout de même droit à ce que vous leur expliquiez sereinement votre politique, surtout sportive.   Personne ne peut le faire à votre place.

On sait ce que le Standard peut faire pour vous. Mais que pouvez-vous faire pour le Standard?

Je ne suis pas naïf au point de vous proposer d’être totalement transparent  mais de songer au schisme qui sépare actuellement les supporters rouches de leur club.  Et de penser à le gommer.

Quand vous avez racheté votre dernier club, je me souviens avoir écrit qu’il était clair que le Standard pouvait énormément apporter à vos différents intérêts hors football, mais que vous seriez finalement jugé sur ce que vous feriez pour le Standard.  Et donc pour le football belge, ce club étant un ‘grand’.

En conclusion, je crains que les raisons de l’association Royal Standard de Liège-Roland Duchâtelet échappent tellement à un raisonnement purement sportif que vous devriez sortir de l’ombre.  Pour communiquer ce qui vous détermine.  Car si l’ambiance reste aussi délétère, c’est parce qu’on n’aura pas respecté les notions sportives de base contenues dans le mot ‘club’.

John