Interview exclusive de Yannick Ferrera

François Garitte
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Interview exclusive de Yannick Ferrera
Photo: © SC

"Si je pouvais prendre à Saint-Trond un ancien joueur de Charleroi, ce serait Mohammed Aoulad".

Après avoir entrainé le Sporting de Charleroi la saison passée, c'est à Saint-Trond que Yannick Ferrera a atterri cet été. Rencontre pour Walfoot dans le beau complexe d'entrainement des Trudonnaires avec le sympathique Yannick Ferrera qui déborde de motivation.

Cela fait un peu plus d'un an que vous êtes entraineur principal. Quels enseignements pouvez-vous en retenir?

Je ne vois que des points positifs, ce qui n’est pas toujours le cas de mon entourage... Ce travail demande un gros investissement. Je ne suis pas ce que j’appelle un « imposteur », c’est-à-dire un entraineur qui signe un gros contrat dans un club et qui fait simplement jouer son équipe le week-end au petit bonheur la chance. Ce n’est pas ma vision du football. J’essaye de faire les choses le mieux possible, de manière détaillée. Par exemple, pour préparer un seul entrainement, cela peut parfois prendre une ou deux heures. Cela demande donc beaucoup d’investissement d’un point de vue temps et énergie. Heureusement, au final, des bonnes choses peuvent en découler.

Vous êtes passé d'un travail dans l'ombre, à La Gantoise et à Al Shabab ( analyste vidéo), à un travail dans la lumière, à Charleroi (entraineur principal). Regrettez-vous le temps où les médias ne parlaient pas de vous?

Non, je ne suis pas encore arrivé au point où je ne peux pas aller acheter mon pain sans être agressé par dix personnes. En ce qui concerne les médias, j’essaye d’être poli et respectueux envers tout le monde et ils me le rendent assez bien. Donc, je préfère mon job actuel. En fait, à Al Shabab, j’ai appris beaucoup de choses mais j’étais frustré de ne pas faire ce que je voulais. Il fallait passer par une période comme cela, j’en conviens,  mais je ne faisais pas ce que je voulais. J’ai toujours voulu entrainer. A Al Shabab, j’étais présent tous les jours à l’entrainement et je prenais certaines fois le groupe pour certaines parties de l’entrainement. A Gand, je n’ai mis le pied sur le terrain qu’une seule fois en un an. J’étais donc un peu frustré. Mais il faut dire que ces deux expériences m’ont beaucoup aidé à devenir l’entraineur que je suis devenu.

On a beaucoup parlé de votre jeune âge. Vous avez fait taire les critiques après les résultats avec Charleroi. Il y a un âge pour être entraineur ?

Ce n’est pas l’âge qui joue, d’après moi. Dans mon cas, à 22 ans, j’avais déjà compris ce que je voulais réaliser et ce que j’allais faire. Tout le monde parlait de mon jeune âge mais quand j’ai commencé, à 31 ans, j’avais déjà neuf ans d’expérience. Je me sentais donc déjà prêt, même s’il y a encore des choses que j’ai apprises depuis un an. Cela peut paraître fou mais, il y a deux ans, j’étais déjà coach de D1 dans ma tête : j’avais une deuxième vie dans ma tête ce qui m’a permis d’être prêt pour le jour où cela arriverait.

Vous avez eu des contacts avec Coventry, en Division 3 anglaise. Vous êtes aujourd’hui à Saint-Trond, en Division 2. Un choix a dû se faire entre ces deux clubs ?

Il n’y a pas eu un choix à faire. Il y a eu des contacts avec Coventry, mais rien de plus. J’ai en fait signé avec un groupe de management anglais qui me représente et ce groupe a eu des contacts avec Coventry.  A côté de cela, il faut dire que le projet de Saint-Trond était vraiment pas mal. Beaucoup de gens voient mon arrivée dans ce club comme un pas en arrière, pas moi. J’ai attendu trois mois avant de retrouver un club. En trois mois, seul Courtrai s’est renseigné auprès de Michel Preud’homme à mon sujet. Aucun autre club de Division 1 belge ne s’est manifesté à mon égard. Les gens ont peut-être encore des doutes sur mes qualités d’entraineur. Je suis ici dans un club du top de la Division 2 qui a des infrastructures d’un club de Division 1. Maintenant, c’est à nous à prouver que le club a sa place en D1 au niveau sportif. Et, qui sait, si j’arrive à faire monter Saint-Trond peut-être que je ne resterai plus jamais trois mois sans un club en D1 (il sourit).

Qu’est ce que vous vous êtes dit quand Saint-Trond vous a contacté ? Reprendre une équipe qui n’a pas réussi à se qualifier pour le tour final la saison d’avant, c’est un sacré défi !

L’avantage est que je suis arrivé à Saint-Trond après deux années d’échec pour le club. De ce fait, je pouvais tout refaire à ma manière. C’est ce que nous, moi et les assistants que j’ai emmenés, avons trouvé intéressant. On nous donne la possibilité d’implanter pas mal de choses, autant d’un point de vue du jeu que d’un point de vue de l’organisation générale du club.

Quels sont les rapports actuels entre Saint-Trond et le Standard ?

Pour le moment, le Standard nous a prêté trois joueurs : Henkinet, Mendez et Lembi. A partir du moment où certains joueurs sont excédentaires au Standard et que, d’après nous, ces joueurs sont très bons et peuvent nous apporter quelque chose, cela ne peut être que positif pour nous. Ces prêts sont pour un club de Division 2, qui n’a pas énormément de moyens, un bon moyen d’avoir des bons joueurs pour pas cher. Dans l’autre sens, c’est aussi une bonne chose pour eux : je pense que c’est mieux d’essayer de gagner sa place dans un noyau de Division 2 que de jouer avec la réserve d’un club de Division 1. On est donc face à une situation win-win. A ce sujet, je tiens à préciser quelque chose : la presse a beaucoup parlé de prétendus arrangements entre Roland Duchatelet et Saint-Trond. Je dois dire qu’à aucun moment quelqu’un m’a ordonné de faire jouer certaines personnes sous prétexte qu’ils viennent du Standard.

Quel est l’objectif de Saint-Trond cette saison ?

L’objectif, c’est la montée. Il ne faut pas s’en cacher, je préfère être promu via le titre. On va donc tout faire pour jouer en Division 1 la saison prochaine. Tous les joueurs devront donc bien prendre conscience que tous les matches sont importants. Souvent, un championnat se gagne contre les petites équipes. L’objectif de tous les jours sera donc de garder notre motivation et qu’elle grandisse chez les joueurs. Je partage, avec un grand nombre de joueurs du noyau, un sentiment de revanche. Ils ont à cœur de montrer ce qu’ils valent, tout comme moi. La motivation est donc sans cesse présente.

Vous avez ouvert votre saison par une victoire contre Visé (2-1), avec deux buts de Dequevy. Peut-on s’attendre à le revoir percer en Division 1 comme auparavant?

Je le souhaite vraiment, pour lui et pour Saint-Trond.  Les apparitions qu’il a faites en Division 1 étaient de haut niveau. Il a été très proche du Standard, on a aussi parlé d’un possible retour à Anderlecht. Après son passage à Roulers, cela ne s’est pas trop bien passé au Lierse. Malgré cela, je reste persuadé que c’est un très bon joueur qui a les qualités pour évoluer en D1. Ce n’est pas le seul joueur du noyau à avoir sa place en D1, tout comme je pense aussi l’avoir. Cependant, il faut le montrer sur le terrain.

Quels sont les grands favoris de Division 2 cette saison ?

Les noms qui ressortent dans la presse sont Saint-Trond, Westerlo, Anvers et Eupen. Personnellement, je n’aime pas me prononcer à ce sujet car je n’ai pas encore analysé toutes les équipes. C’est donc imprudent de se prononcer à cette période de la saison. On en saura un peu plus après dix rencontres.

Vous avez côtoyé Abbas Bayat à Charleroi. Comment le décririez-vous ?

Je l’ai côtoyé pendant un mois et demi. Quand il est parti, la situation du club en championnat n’était pas encore dramatique. Je ne l’ai donc pas connu omnipotent et casseur comme certaines personnes le décrivaient. Je l’ai connu comme un homme ayant sa vision du football et des idées qui méritaient réflexion. Quand j’y repense, avoir accepté ce poste était extrêmement risqué. Je venais de signer un contrat de quatre ans en Arabie, contrat que j’ai dû casser en repayant une partie. Mais comme je l’ai déjà dit, être entraineur, c’est ce que j’ai toujours voulu faire. Peut-être que je n’aurais plus jamais eu une chance en Division 1 comme celle-là. Je ne pouvais donc pas refuser cette proposition. Aujourd’hui, je suis assez fier de ce que j’ai pu réaliser avec mes joueurs et mon staff, au Sporting. Il faut dire que tout le monde condamnait Charleroi très vite. On avait donc une énorme fierté d’avoir mis le club hors danger après vingt-cinq journées.

Votre départ précipité du Sporting, alors que la saison n’était pas finie, pourrait jouer contre vous dans le futur ?

Je ne pourrai le savoir que dans le futur. Je ne sais pas quels contacts Charleroi entretient avec les autres clubs. En tout cas, personnellement, j’ai toujours eu la conscience tranquille. J’ai toujours maintenu la même version depuis le début : j’ai démissionné et, à Charleroi, tout le monde sait pourquoi. Je pense avoir été correct envers tout le monde. Maintenant, je souhaite bon vent au club. Dans cette histoire, j’ai toujours été fidèle à moi-même et à mes principes. Je reste avec le positif en essayant de retirer des leçons de ce qui s’est passé. Le futur nous dira si ce départ peut me porter préjudice.

Quels sont vos pronostics concernant le titre et la descente en Division 1 cette saison ?

En ce qui concerne la descente, je ne préfère pas faire de pronostics car je me trompe souvent, comme j’ai pu le remarquer l’année passée (il sourit). Pour ce qui est du titre, je suis impressionné par le Standard. Après deux journées et quelques matches de coupe d’Europe, ce qu’ils réalisent est pas mal. Cependant, un championnat est long et tout peut vite changer.

Si vous pouviez prendre un joueur de votre ancienne équipe de Charleroi pour jouer à Saint-Trond, qui choisiriez-vous ?

Celui dont je sais qu’il pourra apporter le plus à Saint-Trond cette saison : Mohammed Aoulad. Ce n’était pas celui qui avait le plus gros potentiel dans l’équipe. Le plus gros potentiel, c’était Hervé Kagé. Mais par rapport au style de jeu que je souhaite développer, par rapport au fait qu’il a déjà évolué plusieurs saisons en Division 2 avec le Brussels, Aoulad serait très utile ici.

Quels sont vos objectifs à long terme ?

Je ne vais pas en parler, on va me prendre pour un prétentieux... (il sourit). J’ai mon idée à ce sujet, je sais ce que je veux. On verra bien si cela fonctionne.

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