Vista local: Entre drame, tragédie et désastre

Olivier Baute
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Vista local: Entre drame, tragédie et désastre
Photo: © Photonews

Bernardo était bien sûr derrière son écran afin de vivre ce match qui promettait d'être disputé. Il nous fait revivre la rencontre via les commentaires de la télévision brésilienne ainsi que l'après-rencontre.

Il pleut sur notre village. Une pluie de chaudes larmes de chagrin amère qui se déversent des yeux et du cœurs de tous les supporters de la Seleção, qu'ils soient morts ou vivants, de toute façon morts vivants.


"Comment expliquer l'inexplicable ?" s'interroge devant les caméra le gardien Julio César, à la fin ce match, de cette défaite la plus lourde encaissée dans une phase finale de Coupe du Monde, depuis le 0-6 encaissé par le Brésil des oeuvres de l'Uruguay en 1920 ?


Il reprend ainsi, sans le savoir, la conclusion du reporter de SportTV, suite à un débat difficile de 80 minutes où chacun des trois intervenants a expliqué l'inexplicable, finalement inexpliqué.


Beaucoup de révoltes, de l'autodérision, comme ce message d'Angela Merkel à Dilma Rousseff : "Moi aussi, j'ai acheté la Coupe, mais je l'ai payée en euro", déjà quelques pirouettes ironiques ou sarcastiques et surtout cet immense désespoir des enfants. J'ai une pensée pour les joueurs, les seuls qui n'oublieront jamais qu'ils furent là ce jour d'indignité nationale. Je me souviens d'une défaite 9
à 0 en amateur, alors que je testais mon genou gauche : un grand sentiment d'impuissance pendant le match, l'abyme de la chute qui ne s'arrête jamais, quoique l'on tente et la plus parfaite solitude avec tous ces coéquipiers qui baissent les bras un à un. Les sarcasmes de l'adversaire et du public sont presque un réconfort, un signe que l'on vit encore.


L'avant match est joyeux. Les feux d'artifice sont de sortie dans le pays. ils ne vont pas s'arrêter : pétard des Brésiliens en cas de goal des Brésiliens, pétarda des Argentins en cas de goals des Allemands. Les chiens passeront le match à mes côtés.


Dans le couloir, les Allemands et Brésiliens du Bayern de Munich se donnent l'accolade d'une chaude amitié. Les Allemands et le Brésilien du Real de Madrid font de même. David Luis va passer une main paternelle dans les cheveux des 22 enfants très tendance blancs qui garniront les rangs durant l'entrée des gladiateurs.


Les hymnes nationaux sont respectés dans le stade du Mineirão, revêtu de jaune, de bleu et de vert. Touchant, les enfants devant le team brésilien adoptent la même position que leurs idoles, entrelaçant les bras sur les épaules. Surprenant, Carlos Alberto Parreira, directeur technique de la Seleção, tente de serrer la main de l'entraineur allemand. Il sourit de son dernier sourire de la soirée. Avec son téléphone portable, il se glisse entre les deux agrégats de photographes officiels aux vareuses rouges pour photographier les deux équipes.


Lors de ce match, le Brésil jouera deux fois 8 minutes en début de chaque mi-temps; se portant résolument vers l'avant et ramassant des goals de seconde ou troisième division sur les retours de manivelle allemande.


Après le second goal allemand, d'un tir à ras de terre comme les six premiers, goals, cette terre sur laquelle Julio César éprouve les pires difficultés à se coucher depuis de nombreuses années, cette terre du Mineirão où seront enterrés pour 4 ans les espoirs d'un 6ème titre de champion du monde, après 9 minutes, j'ai repensé à une histoire.


Dans son beau livre Mon royaume la vitesse, Alfred Neubauer, qui fut l'emblématique directeur de course de Mercedes durant près de 50 années, raconte la dernière course de la légendaire Mercedes SSK, sur le circuit de l'Avus, à Berlin. Tout est bien préparé. la voiture est déjà une légende, son pilote, Manfred von Brauchitch aussi. Ils ont le meilleur mécanicien, Sebastian. Et pourtant la course est un calvaire et une humiliation. L'équipe changera 5 fois les pneus, le conducteur sera à la limite partout mais la Mercedes sera ridicule, humiliée. Les Auto-Unions sont, toutes, loin devant.

Surgit un jeune ingénieur, Rudolf Uhlenhaut, dit à Neubauer : c'est une course de référence. Référence ? Oui. Vous avez tout fait au mieux et cela a foiré. On sait exactement maintenant ce qu'il faut faire. Vous avez laissé passer le train de l'aérodynamisme, laissé travailler Porsche pour la concurrence, négligé les suspensions. Neubauer accepta la critique et Mercedes reprit sa marche en avant victorieuse.


C'est exactement cela que j'ai ressenti : la fin d'un football maniéré, qui a raté la mutation espagnole sur le jeu de ballon rapide en une touche de balle et la possession, et la seconde mutation allemande, basée sur la reconversion ultra-rapide en une touche de balle : l'équipe a entre 4 et 8 secondes pour amener le ballon devant le but ou dedans... pour citer Mourinho, avec un pressing haut, une verticalité axée sur le but adverse et la nécessité de la passe juste comme de l'explosivité. Je sais que les supporters belges n'aiment pas ce football, et encore moins ceux du Standard; personnellement, j'aime beaucoup. J'aime la vitesse dans le sport. Un joueur comme Vanhaken est un régal pour mes yeux.


Les nouveaux ballons qui filent droit et vont là où on les envoie renforcent l'impact technique sur le jeu.


C'est un monde qui s'est effondré. Le Brésil a perdu son football samba, il y a 8 ans, et son nouveau football est démodé. C'est un jeu de deuxième division sinon de deuxième zone, diront les commentateurs, avec des joueurs positionnés à l'ancienne et des médians statiques qui croient devoir orienter le jeu alors qu'ils doivent l'accélérer.


Le public, à de rares et bien connues exceptions près n'a jamais cessé d'encourager ses joueurs en criant Brésil, Brésil...


Les commentateurs ont abandonné le reportage, mis à part l'exploit de Klose, qui prend seul la tète du classement des buteurs des Coupes du Monde ; pour refaire le monde. Le positionnement des médians et l'animation de leurs jeux ont été les vecteurs qui les ont conduit á repenser tout le football brésilien, sans s'attarder sur les absences de Neymar, de Thiago Silva, les non-prestations de Fred, le stress ou la volonté allemande de les "enfoncer"


A la fin du match, les joueurs des deux camps ont fraternisé. Certains joueurs brésiliens pleuraient comme des enfants. Des joueurs allemands sont venus consoler un Felipe Scolari, au bord de la crise cardiaque, à certains moments.


D'autres joueurs sont tombés á genoux en prière. Les joueurs allemands ont fait preuve d'une grande retenue.


Au micro, Julio César a fait une étrange mais émouvante analyse du match, parlant de trou noir, d'effondrement,... et toujours s'excusant.


Là, je me demande pourquoi il faut s'excuser de perdre. Si on ne veut pas perdre, on ne doit pas jouer. Cela vaut pour le casino comme pour le football.


Les commentateurs étaient physiquement très marqués.


Désastre, drame , tragédie, humiliations mondiales, tels sont les mots qui ont formé le chapelet de leurs oraisons funèbres pour le football brésilien en état de choc.


La FIFA a désigné Tony Kroos comme homme du match. Pourquoi pas ? Mais Neuer a eu trois interventions sensationnelles, à mon avis.



J'ai apprécié :

• La prestation allemande

• L'absence de règlement de compte

• Le but d'Oscar

• Le soutien du public malgré la dérive

• La preuve que le Brésil n'a pas acheté la coupe ou l'arbitrage



Je n'ai pas aimé :

• Les plongeons des Brésiliens

• La disposition tactique de Felipe Scolari

• Le jeu en deux ou trois touches de balles

• Les médians qui ne suivent pas le jeu


La fin d'une époque. Seul l'allemand Alzheimer ne s'en souviendra pas.

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