Billet d'humeur Les cas Talbi et Karetsas rendent tout le monde fou : et si on fichait la paix aux binationaux ?
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Les tensions autour des binationaux sont devenues énormes ces dernières semaines, suite aux choix de Konstantinos Karetsas et Chemsdine Talbi. Jusqu'à ces déclarations étonnantes de Vincent Mannaert, qui propose une solution peu réaliste.
Après l'officialisation du choix de Chemsdine Talbi en faveur du Maroc, dans la foulée de celui de Konstantinos Karetsas pour la Grèce, Vincent Mannaert a frappé du poing sur la table : désormais, les "jeunes joueurs" devraient faire un choix clair s'ils voulaient être appelés en sélection, et savoir quelle équipe nationale ils voudront défendre plus tard.
On ignore encore précisément ce que le directeur technique de l'Union Belge entend par là, ou ce qu'il souhaite mettre en place : à partir de quel âge ? Des U21 ? U16 ? U18 ? À leur première sélection ? L'idée paraît peu applicable, et pour énormément de raisons.
La proposition de Vincent Mannaert ne peut pas fonctionner
Mannaert a débarqué dans une fédération sens dessus-dessous : les "échecs" Karetsas et Talbi ne sont pas les siens. Il va travailler dur à convaincre d'autres binationaux : peut-être pourra-t-il persuader Bounida, par exemple. Il en a les épaules. Mais sa proposition, si elle flatte le public (il suffit de lire les réactions enthousiastes), est irréalisable.
Tout d'abord parce qu'elle va à l'encontre du règlement de la FIFA : celui-ci stipule qu'un jeune joueur peut changer d'équipes d'âge s'il le souhaite, et ensuite opter pour l'équipe A qu'il veut. Si un jeune "promet" (comment ? Sous pression ? Sous serment...?) de "rester Belge", puis accepte une autre sélection en A, ni Mannaert ni qui que ce soit ne pourront l'empêcher de filer à l'anglaise, à la marocaine ou à la grecque. Les fédérations ne peuvent pas instaurer "leurs" règles à ce sujet.
Rappelons que la fédération investit aussi dans la formation de ses coachs... et que le sélectionneur est étranger depuis 10 ans
Et ces jeunes joueurs, parfois âgés de 15 ou 16 ans, doivent-ils être forcés à "décider", à un âge où ils se cherchent sur le plan personnel et ne pensent qu'à taper dans un ballon, s'ils sont Congolais, Grecs, Marocains, Maliens, Serbes ou Belges ? Doit-on appliquer ces filtres d'adultes à des gamins ? Et s'ils optent pour une sélection africaine, se séparant d'amis avec qui ils jouent depuis le plus jeune âge en équipes nationales, les clubs se réjouiront-ils de voir un de leurs talents aller jouer la CAN U17 dans des conditions dantesques ?
L'argument principal de Vincent Mannaert, c'est que la fédération "investit beaucoup d'argent" dans la formation des jeunes, qui en profitent puis filent en douce. C'est une critique recevable. Peut-être une "indemnité de formation", dans ce genre de cas, peut-elle être négociée - mais elle devrait être strictement encadrée par la FIFA, sous peine de devenir un véritable marché parallèle ingérable. Mais rappelons, après tout, que la fédération investit aussi depuis longtemps dans la formation de ses coachs... et que cela fera bientôt 10 ans que le sélectionneur national est étranger.
Selon Mannaert, pas de Nacer Chadli...
Les "doutes", enfin, n'empêchent pas de se donner à fond une fois que le choix est fait. On se rappellera ainsi que Nacer Chadli apparaissait longtemps comme étant une cause perdue pour la fédération : en 2010, il joue un match amical avec le Maroc, lors duquel il entre en conflit avec le capitaine de l'époque.
Ce n'est qu'après que le joueur de Twente opte pour la Belgique, s'attirant bien sûr de nombreuses critiques au Maroc. Personne, ici, n'a eu à s'en plaindre. Pas plus que du choix de Marouane Fellaini, dont l'implication et le coeur noir-jaune-rouge ne peuvent pas être remis en question... mais qui avait tout de même joué un match avec le Maroc U20.
Fellaini et Chadli, malgré ces hésitations, sont devenus deux des Diables Rouges les plus emblématiques de la génération dorée, avec des grands moments offerts en 2014 et en 2018, entrés dans la légende de notre football. On ne peut pas prédire l'avenir... et on ne devrait certainement pas demander à des gamins de le faire.
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