Edito La Coupe du Monde, c'est dans 2 mois : sans passion, sans gêne... sans nous ?

La Coupe du Monde, c'est dans 2 mois : sans passion, sans gêne... sans nous ?
Photo: © photonews

La Coupe du Monde 2022 commence officiellement dans deux mois. Ce sera le coup d'envoi de l'une des compétitions les plus controversées de l'histoire. Pour la première fois depuis 2012, Walfoot n'y sera pas, pour de multiples raisons.

"Sans nous" : c'était la Une du "Quotidien de La Réunion", un média réunionnais, l'un des deux principaux de ce département d'outre-mer, qui devenait là le premier média de France à annoncer qu'il ne couvrirait pas la Coupe du Monde. Une déclaration qui n'a pas été suivie de beaucoup d'autres. Peu de médias manqueront le grand barnum qatari. Certains, comme la RTBF chez nous, ont conclu qu'il s'agissait d'une responsabilité du service public de retransmettre la compétition, mais feront leur travail informatif au mieux concernant ses dérives. 

S'indigner maintenant ? 

À 2 mois de la compétition, les grandes déclarations n'ont pas beaucoup de sens. Que la Coupe du Monde ait été attribuée par le truchement de petits arrangements entre amis ? C'est su et documenté (on vous conseille entre autres à ce sujet le livre FIFAGate de Philippe Auclair et Eric Champel, paru en 2015 déjà : tout y était). Que des centaines d'ouvriers aient perdu la vie sur les chantiers qatariens ? Des associations humanitaires dénoncent ce fait depuis des années. Qu'au Qatar, les droits des homosexuels et de la communauté LGBTQ+ soient inexistants ? C'est le cas dans toute la péninsule arabique, et émiratis, qataris comme saoudiens investissent massivement dans le football. Qatar Airways sponsorise les plus grands clubs du monde, et niveau belge, de nombreux coachs ont travaillé en Arabie Saoudite sans dénoncer les dérives locales. 

S'indigner maintenant, c'est une posture confortable. No offense : beaucoup s'indignent depuis le début et restent droits dans leurs bottes, et ne font que répéter à mesure que la Coupe du Monde approche que Qatar 2022, ce sera sans eux. Certains se découvrent une conscience, ou font semblant de réaliser maintenant que le Moyen-Orient n'est pas gay-friendly, pas éco-friendly. S'ils font l'impasse un mois sur la Coupe du Monde, feront-ils ensuite l'impasse sur les matchs de Newcastle et Manchester City en Premier League, du PSG en Ligue 1 ? Du Beerschot en D1B (c'est moins contraignant, certes...) ? 

Sans gêne ?

Le contexte énergétique, ensuite, commence à interroger. La guerre en Ukraine a amené une crise énergétique sans précédent ; certains auront du mal à se chauffer cet hiver, les gouvernements appellent à "l'austérité énergétique". Pendant ce temps au Qatar ? Stades climatisés, Coupe du Monde énergivore. Nous ne résistons pas à l'envie de vous partager quelques photos du Qatar by night. Surtout, n'oubliez pas d'éteindre votre lampe de chevet pour la planète. Et faites attention en conduisant sur l'autoroute, où les lampes seront bientôt éteintes chez nous. 

Pas d'hypocrisie, bien sûr : la Coupe du Monde 2018 n'était pas forcément moins énergivore et la communauté LGBTQ+ n'est pas particulièrement bienvenue en Russie, la Coupe du Monde 2014 au Brésil avait forcé la délocalisation de populations indigènes et la destruction de bidonvilles dans un pays qui ravage l'Amazonie à grands coups de bulldozers. La Coupe du Monde 2022 a ces torts et d'autres, comme les vies perdues sur les chantiers. S'y ajoute un manque de passion, du moins côté européen.

Sans passion ? 

Visiblement, la Coupe du Monde 2022 ne séduit pas le public. Alors que les supporters belges étaient plusieurs milliers à se rendre en Russie, ils ne sont pour l'instant que quelques centaines à avoir planifié leur voyage au Qatar. On ignore les chiffres dans les autres pays européens, mais ils devraient être comparables. En Russie, certains pays sud-américains avaient amené des dizaines de milliers de supporters, qui avaient fait la fête pendant un mois pour certains, profitant d'une compétition au final assez abordable une fois le long déplacement effectué.

Tout cela avait fait d'une compétition entourée de certains doutes l'une des Coupes du Monde les plus réussies de l'histoire. Le contexte international de 2022 ne doit pas faire oublier cela : nous avions salué la passion des Russes pour le football à l'époque, et la grande fête que 2018 avait été. Pourra-t-on en dire de même en 2022 ? Tout laisse à penser que non. 

Ne soyons pas "euro-centrés" : certains prévoient une présence massive de supporters issus des quatre coins du Moyen-Orient, ainsi que d'Afrique. À charge pour eux de nous donner tort et de garnir des stades flambants neufs, que la seule population du Qatar ne suffira pas à remplir, loin s'en faut. Même parmi les pays du monde arabe, le Qatar n'est pas le plus passionné de football. 

Sans nous ... ? 

Alors, où se positionner, en tant que média ? Aucun média belge n'a pour l'instant annoncé de "boycott".  Nous ne croyons pas nous-mêmes aux bienfaits d'un boycott, au-delà du symbole. Pourtant, Walfoot, pour la première fois depuis 2012, ne se rendra pas sur place. Plusieurs raisons à cela : la première est qu'un média web tel que le nôtre a pour règle d'or, dans ces compétitions, de suivre les supporters, de participer à la fête de l'intérieur. Beaucoup avaient pu nous croiser en Russie, dans les trains, les fanzones, avant les rencontres durant les fanwalks, après les rencontres lors des afterparties.

C'est la principale valeur ajoutée de notre présence. Chaque rencontre est en effet quoi qu'il en soit diffusée et peut être couverte à distance, de même que la majorité des conférences de presse. Une Coupe du Monde sur place sans présence massive de supporters belges n'a, pour nous, aucun intérêt. La fête sera ici, si elle a lieu. Le contexte particulier - entre vin chaud et raclette - sera également quelque chose d'inédit. Nous le vivrons donc avec vous. Sans nous draper dans de faux semblants : il ne s'agit pas d'un boycott (le site fonctionnera "normalement"), mais d'une réflexion logique. Financière aussi : cette compétition coûterait à elle seule un budget quasi-intenable pour un média indépendant. Et qui sait, si beaucoup de médias effectuent cette même réflexion, qui amène à refuser de participer à un événement parce qu'il ne sera pas la fête du football qu'il doit être, parce qu'il aura un goût amer ou pour toute autre raison propre à chacun, peut-être la Coupe du Monde 2022 restera-t-elle dans l'histoire comme celle qui a fait changer les choses. 

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